22/04/2009 - Un jour dans une vie
Depuis longtemps je veux écrire quelque chose sur une œuvre majeure de la musique contemporaine.
Elle reste assez mal connue.
En architecture et dans l'art il y a ce qu'on appel un mouvement moderne, qui a tranché avec tout ce qui s'est fait avant. Le Corbusier, le Bauhaus, ont réinventé les fondements de l'architecture dans les années 1920, tandis qu'en Art, Picasso et d'autres réinventaient une toute nouvelle façon de s'exprimer. Souvent on a tendance à aimer ce qui se faisait avant, parce que c'est plus compréhensible qu'une fille décomposée et difforme. De même pour l'architecture, un beau palais classique, avec de belles colonnes, c'est toujours plus compréhensible que la chapelle de Romchamps.
Alors la musique, je ne sais pas trop ce que vous en pensez, mais il me semble qu'il doit s'agir de la plus belle invention de l'humanité. Aucune conséquence néfaste, jamais, sur rien. Que du plaisir, et de la beauté, parfois.
Il est difficile de qualifier une période où la musique a connu un bouleversement artistique, mais des artistes y ont contribué durant le XXe siècle.
De ces arrangements musicaux classiques qu'on connaissait depuis les compositeurs du XVIIe et XVIIIe, on est passé à d'autres formes de musiques, il y en a des centaines, des milliers même.
Je m'intéresse à la musique populaire et au mouvement du rock. En somme, la musique la plus connue, pour ne pas m'étendre dans des domaines où il est plus difficile de trouver des amateurs.
A Day in a Life est une chanson que je vous demanderai d'écouter, ne serait-ce que pour votre culture, même si au final vous n'appréciez pas ce qu'il en ressort. Mais avant d'écouter, lisez un peu ce qu'il y a plus bas, pour tout suivre, tout décortiquer et comprendre le travail. Sa richesse vous permettra de la citer et de passer pour quelqu'un qui est cultivé dans une dissert ou dans une discussion, parce que c'est une chanson qui se classe pour les connaisseurs comme une œuvre majeure. Je vous parle de composition musicale. Comme dans l'architecture, les compositeurs ont remis tout en cause.
C'est une chanson des Beatles, qui figure dans L'Album des Beatles: "Sergent Pepper's lonely hearts club band".
Alors parlons en. Inutile de vous attarder aux paroles, elles sont futiles, presque inutiles. A Day in a Life, traduit littéralement: un jour dans une vie. On va donc nous raconter tout simplement, certains passages du déroulement d'une journée comme une autre. Du coup, quelques sentiments, quelques sensations, et des faits divers un peu anecdotiques. Le genre de choses sans grande importance, drôles ou dramatiques que nous vivons toutes et tous chaque jour qui passe.
John Lennon entre le premier en scène, et parle de ce qu'il apprend dans le journal du matin, on sent que ça lui passe au dessus du cerveau, ses dernières paroles le confirment: "i'd love to turn you on" = "je voudrais te brancher", entendez je voudrais qu'on délire ensemble (avec le la drogue - LSD - ). Notez qu'ils composaient en prenant pas mal de drogue, ce qui a donné le gout surréaliste à leur musique, dit aussi psychédélique.
Puis c'est Paul Mc Cartney qui s'empare du micro, lui aussi clairement blasé par cette routine qu'ils cherchent à dénoncer. Blasé car il finit par "and somebody spoke and I went to a dream" ("quelqu'un parla et je suis tombé dans un rêve")
Puis Lennon reprend, et finit la chanson avec le même genre d'histoire mélodramatique inintéressante du début de la chanson. Il parle de nids de poules par milliers dans une route d'un village écossais...
Bon vous l'avez compris, d'un point de vu littéraire, ce n'est rien de notable, mais ça n'est pas le but. Ils dénoncent simplement notre vie que nous suivons comme des moutons et dont ils se moquent en s'envolant avec la drogue, car finalement, à quoi ça sert de suivre le train de vie qu'on nous impose ? On a pas le choix, ils le savent, mais rendent compte de ce fait, et le critiquent implicitement.
Mais c'est au niveau de la musique que tout devient incroyable et fort. Car son rôle sera de donner de la force à leurs parôles et surtout, de supposer d'autres choses !
L'ouverture se fait à la guitare. Je vous engage dès lors que vous écouterez la chanson, à bien écouter l'introduction de chaque instrument, et plus précisément: la guitare, le piano, et l'entrée de la batterie. Prêtez attention à cette batterie, qui va donner une dimension complètement folle à la chanson, en la rythmant et en appuyant certains moments. La batterie s'emballe, on peut le dire. C'est Ringo Star.
Donc on commence la chanson avec des coups de guitare, puis le piano, puissant. Les maracas, tenues par Georges Harrisson, entrent en scène en même temps le chanteur et sa voix grinçante caractéristique. Au bout de 50 secondes, la batterie donne toujours plus de corps au fond musical. Il parle d'un mec qu'i s'est tué dans un accident de voiture, puis d'un film de guerre.
Et là, il monte dans les aigües pour "i'd love to turn you on" "je veux te brancher". La musique va devenir folle, les Beatles se livrent à une nouvelle expérience musicale: tous les instruments d'un orchestre symphonique vont aller de leur note la plus basse, à la note la plus haute, chacun à son rythme et à sa mesure. Ce qui va créer une immense cacophonie de plus en plus aiguë.
La musique vient, comme très rarement dans toutes les chansons contemporaines, se placer dans un rôle déterminant. Ce qui ne sera pas dit dans les paroles, sera exprimé en musique. A savoir, la sensation de vertige, due à la prise de drogue. Cette séquence ne va peut être pas vous plaire, mais son but n'est pas de donner un son harmonieux, mais quelque chose de significatif, qui se rapproche de la sensation qu'on a quand on a trop bu (puisque tout le monde ici n'a pas forcément pris de drogue ). C'est très réussi. On ressent très facilement cette sensation de vertige, ce côté désagréable, dérangeant...
Et puis Driiiiiing, le réveil sonne, on passe à autre chose, à un autre rythme, plus dynamique, c'est la partie de Paul Mc Cartney. Lui raconte cette matinée que nous connaissons tous, où tout est speed, où il court pour être à l'heure et prennant son petit déj au lance pierre, mais ça l'exaspère, il s'en va rêver. Le rêve est mis en place par une vocalise très psychédélique et significative (séquence des aaaaaaaaaaaaaaaaaaahh aaaaaaaaaaaah [...]). On a pas de mal à comprendre que ça représente un rêve, il suffit de comprendre un peu l'anglais.
Puis dernière partie de la chanson, on retombe au rythme du début, Lennon reparle de faits divers anecdotiques, et il veut nous brancher, encore. Les instruments reprennent leur montée dans les aiguës, mais cette fois, retournement de situation, qui dénonce le fait de se droguer pour fuir la réalité, la montée se termine brusquement, avec un Mi majeur qui a été réalisé sur trois pianos simultanément: c'est l'overdose, et la mort. Le piano s'éteint doucement après avoir résonné presque une minute.
J'espère que vous saurez décortiquer cette chanson et l'apprécier comme je l'apprécie. C'est une vraie merveille de donner un rôle très fort à la mise en musique, d'associer un son à une symbolique, de chercher à l'exprimer et d'utiliser les instruments de façon novatrice.
Le vertige donné par la prise de la drogue, drogue qu'on prend pour fuir la réalité, et la mort qui punie ceux qui croient la fuir en s'envolant dans leurs rêves psychédéliques, c'est fort.
34 heures d'enregistrements auront été nécessaire à la mise en boîte de cette composition, que tout le monde n'appréciera pas de la même manière, mais qui bénéficie d'une profondeur et d'une subtilité qu'ont très peu de chansons. Surtout quand on se remet en contexte: nous sommes en 1966.
Et même quand on ne sait pas tout ça, toute ce travail et cette recherche, ça reste une chanson belle et puissante. J'ai bien hâte de connaître vos impressions.
Lien vers Deezer: http://www.deezer.com/track/23303
Elle reste assez mal connue.
En architecture et dans l'art il y a ce qu'on appel un mouvement moderne, qui a tranché avec tout ce qui s'est fait avant. Le Corbusier, le Bauhaus, ont réinventé les fondements de l'architecture dans les années 1920, tandis qu'en Art, Picasso et d'autres réinventaient une toute nouvelle façon de s'exprimer. Souvent on a tendance à aimer ce qui se faisait avant, parce que c'est plus compréhensible qu'une fille décomposée et difforme. De même pour l'architecture, un beau palais classique, avec de belles colonnes, c'est toujours plus compréhensible que la chapelle de Romchamps.
Alors la musique, je ne sais pas trop ce que vous en pensez, mais il me semble qu'il doit s'agir de la plus belle invention de l'humanité. Aucune conséquence néfaste, jamais, sur rien. Que du plaisir, et de la beauté, parfois.
Il est difficile de qualifier une période où la musique a connu un bouleversement artistique, mais des artistes y ont contribué durant le XXe siècle.
De ces arrangements musicaux classiques qu'on connaissait depuis les compositeurs du XVIIe et XVIIIe, on est passé à d'autres formes de musiques, il y en a des centaines, des milliers même.
Je m'intéresse à la musique populaire et au mouvement du rock. En somme, la musique la plus connue, pour ne pas m'étendre dans des domaines où il est plus difficile de trouver des amateurs.
A Day in a Life est une chanson que je vous demanderai d'écouter, ne serait-ce que pour votre culture, même si au final vous n'appréciez pas ce qu'il en ressort. Mais avant d'écouter, lisez un peu ce qu'il y a plus bas, pour tout suivre, tout décortiquer et comprendre le travail. Sa richesse vous permettra de la citer et de passer pour quelqu'un qui est cultivé dans une dissert ou dans une discussion, parce que c'est une chanson qui se classe pour les connaisseurs comme une œuvre majeure. Je vous parle de composition musicale. Comme dans l'architecture, les compositeurs ont remis tout en cause.
C'est une chanson des Beatles, qui figure dans L'Album des Beatles: "Sergent Pepper's lonely hearts club band".
Alors parlons en. Inutile de vous attarder aux paroles, elles sont futiles, presque inutiles. A Day in a Life, traduit littéralement: un jour dans une vie. On va donc nous raconter tout simplement, certains passages du déroulement d'une journée comme une autre. Du coup, quelques sentiments, quelques sensations, et des faits divers un peu anecdotiques. Le genre de choses sans grande importance, drôles ou dramatiques que nous vivons toutes et tous chaque jour qui passe.
John Lennon entre le premier en scène, et parle de ce qu'il apprend dans le journal du matin, on sent que ça lui passe au dessus du cerveau, ses dernières paroles le confirment: "i'd love to turn you on" = "je voudrais te brancher", entendez je voudrais qu'on délire ensemble (avec le la drogue - LSD - ). Notez qu'ils composaient en prenant pas mal de drogue, ce qui a donné le gout surréaliste à leur musique, dit aussi psychédélique.
Puis c'est Paul Mc Cartney qui s'empare du micro, lui aussi clairement blasé par cette routine qu'ils cherchent à dénoncer. Blasé car il finit par "and somebody spoke and I went to a dream" ("quelqu'un parla et je suis tombé dans un rêve")
Puis Lennon reprend, et finit la chanson avec le même genre d'histoire mélodramatique inintéressante du début de la chanson. Il parle de nids de poules par milliers dans une route d'un village écossais...
Bon vous l'avez compris, d'un point de vu littéraire, ce n'est rien de notable, mais ça n'est pas le but. Ils dénoncent simplement notre vie que nous suivons comme des moutons et dont ils se moquent en s'envolant avec la drogue, car finalement, à quoi ça sert de suivre le train de vie qu'on nous impose ? On a pas le choix, ils le savent, mais rendent compte de ce fait, et le critiquent implicitement.
Mais c'est au niveau de la musique que tout devient incroyable et fort. Car son rôle sera de donner de la force à leurs parôles et surtout, de supposer d'autres choses !
L'ouverture se fait à la guitare. Je vous engage dès lors que vous écouterez la chanson, à bien écouter l'introduction de chaque instrument, et plus précisément: la guitare, le piano, et l'entrée de la batterie. Prêtez attention à cette batterie, qui va donner une dimension complètement folle à la chanson, en la rythmant et en appuyant certains moments. La batterie s'emballe, on peut le dire. C'est Ringo Star.
Donc on commence la chanson avec des coups de guitare, puis le piano, puissant. Les maracas, tenues par Georges Harrisson, entrent en scène en même temps le chanteur et sa voix grinçante caractéristique. Au bout de 50 secondes, la batterie donne toujours plus de corps au fond musical. Il parle d'un mec qu'i s'est tué dans un accident de voiture, puis d'un film de guerre.
Et là, il monte dans les aigües pour "i'd love to turn you on" "je veux te brancher". La musique va devenir folle, les Beatles se livrent à une nouvelle expérience musicale: tous les instruments d'un orchestre symphonique vont aller de leur note la plus basse, à la note la plus haute, chacun à son rythme et à sa mesure. Ce qui va créer une immense cacophonie de plus en plus aiguë.
La musique vient, comme très rarement dans toutes les chansons contemporaines, se placer dans un rôle déterminant. Ce qui ne sera pas dit dans les paroles, sera exprimé en musique. A savoir, la sensation de vertige, due à la prise de drogue. Cette séquence ne va peut être pas vous plaire, mais son but n'est pas de donner un son harmonieux, mais quelque chose de significatif, qui se rapproche de la sensation qu'on a quand on a trop bu (puisque tout le monde ici n'a pas forcément pris de drogue ). C'est très réussi. On ressent très facilement cette sensation de vertige, ce côté désagréable, dérangeant...
Et puis Driiiiiing, le réveil sonne, on passe à autre chose, à un autre rythme, plus dynamique, c'est la partie de Paul Mc Cartney. Lui raconte cette matinée que nous connaissons tous, où tout est speed, où il court pour être à l'heure et prennant son petit déj au lance pierre, mais ça l'exaspère, il s'en va rêver. Le rêve est mis en place par une vocalise très psychédélique et significative (séquence des aaaaaaaaaaaaaaaaaaahh aaaaaaaaaaaah [...]). On a pas de mal à comprendre que ça représente un rêve, il suffit de comprendre un peu l'anglais.
Puis dernière partie de la chanson, on retombe au rythme du début, Lennon reparle de faits divers anecdotiques, et il veut nous brancher, encore. Les instruments reprennent leur montée dans les aiguës, mais cette fois, retournement de situation, qui dénonce le fait de se droguer pour fuir la réalité, la montée se termine brusquement, avec un Mi majeur qui a été réalisé sur trois pianos simultanément: c'est l'overdose, et la mort. Le piano s'éteint doucement après avoir résonné presque une minute.
J'espère que vous saurez décortiquer cette chanson et l'apprécier comme je l'apprécie. C'est une vraie merveille de donner un rôle très fort à la mise en musique, d'associer un son à une symbolique, de chercher à l'exprimer et d'utiliser les instruments de façon novatrice.
Le vertige donné par la prise de la drogue, drogue qu'on prend pour fuir la réalité, et la mort qui punie ceux qui croient la fuir en s'envolant dans leurs rêves psychédéliques, c'est fort.
34 heures d'enregistrements auront été nécessaire à la mise en boîte de cette composition, que tout le monde n'appréciera pas de la même manière, mais qui bénéficie d'une profondeur et d'une subtilité qu'ont très peu de chansons. Surtout quand on se remet en contexte: nous sommes en 1966.
Et même quand on ne sait pas tout ça, toute ce travail et cette recherche, ça reste une chanson belle et puissante. J'ai bien hâte de connaître vos impressions.
Lien vers Deezer: http://www.deezer.com/track/23303
Dernière édition par Buba le Mer 22 Avr 2009 - 13:21, édité 2 fois